NeM Architectes : «Aujourd’hui, on ne casse pas les bâtiments, on les réutilise.»

NeM Architectes
Fermer Photo Maxime Tétard
Interview
11 janvier 2021

NeM Architectes : «Aujourd’hui, on ne casse pas les bâtiments, on les réutilise.»

Lucie Niney et Thibault Marca, de l'agence NeM Architectes, racontent leur travail sur le chantier de la Bourse de Commerce : la transformation du bâtiment en musée d'art contemporain.

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7 mn
Par Bourse de Commerce

Qu’est-ce que ça fait de co-signer avec Tadao Ando la transformation de la Bourse de Commerce ?

Lucie Niney : Au-delà d’avoir eu la chance de travailler avec une icône de l’architecture, Tadao Ando a été assez vite très ouvert au dialogue. C’était une expérience d’autant plus enrichissante qu’on a vraiment réussi à travailler avec lui, à proposer des choses, comment rester dans l’écriture et dans un projet de Tadao Ando mais néanmoins proposer des adaptations pour la Bourse de Commerce. On a aussi travaillé avec beaucoup de partenaires, les Bouroullec pour le mobilier, Michel Bras pour le restaurant, les Graphiquants pour la signalétique, évidemment l’agence de Pierre-Antoine Gatier pour les monuments historiques. C’était vraiment un travail collaboratif, avec toutes ces équipes et les équipes de la Collection Pinault.

Thibault Marca : Tout d’abord, il faut dire que ça a été assez inattendu. Bien vite on s’est rendu compte de la chance qu’on avait de pouvoir travailler avec une icône de l’architecture mondiale qui a inspiré tant de générations d’architectes avant nous, en tant qu’un des premiers tenants encore vivant du brutalisme. Je pense notamment à RCA Architectes avec qui on a eu l’occasion de travailler et avec qui on partage cette passion pour la radicalité, le minimalisme, une forme d’usage, comme ça, immodéré du mono-matériau. Donc ça a été une chance de travailler avec Tadao Ando, nous sommes passionnés du Japon, ça a été l’occasion d’entamer un dialogue à travers des générations mais aussi des cultures différentes.

« Quand on ajoute un élément contemporain dans des bâtiments classés, inscrits ou remarquables, on cherche une forme de réversibilité. » Lucie Niney

Comment fait-on de l’architecture dans l’architecture, surtout dans un monument en partie classé ?

 

 

Du béton réversible, ça existe ? Existe-t-il une formule magique du béton Ando ?

 

Comment vous êtes-vous rencontrés et avez-vous travaillé ensemble ?

L.N. : On s’est rencontrés avec Thibaut à l’École d’Architecture de Paris–La Villette en milieu de notre cursus et on a fait un stage ensemble dans une agence d’architecture qui s’appelait Cantin-Planchez, à qui on doit beaucoup. De fil en aiguille, on a continué à travailler là-bas en parallèle de la fin de notre scolarité, donc une fois diplômés, on savait qu’on s’entendait bien. Bon déjà on s’entend très bien humainement, on est assez copains, on rigole bien, mais on s’entend aussi bien pour travailler, on est assez complémentaires. Après des expériences diverses et variées, chacun de son côté, ça a été assez évident de s’associer et de commencer une agence tous les deux.

T.M. : On s’est rencontrés avec Lucie tout simplement à l’école d’architecture. On a partagé des stages ensemble, on a travaillé dans une agence, une petite agence, et on a assez vite vu qu’on travaillait bien ensemble. Après, on a chacun un peu fait nos chemins à droite, à gauche. J’ai monté l’agence en 2008 et deux ans après on s’est associés parce que c’est beaucoup mieux de travailler à deux, on s’entend très bien et on trouve ça infiniment plus plaisant. On aime bien partager à la fois les angoisses du métier, mais aussi les joies, et on s’amuse beaucoup.

« Quand on reste attaché à chaque projet à réenvisager les méthodes constructives, que l’on reste ouvert aussi aux problématiques de son époque, on peut rester un jeune architecte toute sa vie. » Thibault Marca

Ça veut dire quoi être « jeune architecte » ?

L.N. : C’est une grande question. Traditionnellement le bruit court que ce serait jusqu’à quarante ans, mais finalement on est jeune architecte assez longtemps et assez vieux dans la profession. Comme les projets sont longs, très diversifiés, on met longtemps à acquérir l’expérience nécessaire pour pouvoir s’autoproclamer « architecte expérimenté ». Découvrir différentes tailles de programmes, différents sujets, différents contextes, différentes méthodes prend effectivement un temps certain. C’est aussi des études longues où l’on démarre la vie professionnelle assez tard. Mais je crois qu’au-delà des problématiques d’âge et d’expérience, c’est aussi une position vis-à-vis de la pratique de son métier. Quand on reste attaché à chaque projet à réenvisager les méthodes constructives, comment est-ce qu’on peut inscrire un bâtiment dans son territoire, comment profiter de l’économie locale, des ressources, que l’on reste ouvert aussi aux problématiques de son époque, finalement qu’on n’a pas de recette qu’on applique toute faite à chaque projet, on peut rester un jeune architecte toute sa vie.

T.M. : Je ne sais pas jusqu’à quel âge on est censé être un jeune architecte. Selon moi, on est jeune architecte quand on a acquis une certaine expérience, c’est-à-dire que le temps de l’architecture est un temps assez long. On apprend à gérer des problématiques dans le long terme et au fur et à mesure des différents programmes qu’on aborde. Je dirais que c’est quand on a acquis une certaine forme d’expérience, qu’on a toujours une curiosité et un enthousiasme, et qu’on arrive à se remettre en question. Quand on arrive à matcher ces deux choses-là, on peut commencer à être un architecte, et donc un jeune architecte.

 

Que faut-il de plus pour faire un musée ?

 

Quelle a été votre première rencontre avec une œuvre d’art ?

L.N. : Ma première rencontre avec une œuvre d’art, c’est la fontaine de Tinguely et Niki de Saint Phalle sur le parvis du Centre Pompidou, parce que c’est un endroit où on passe, on restait après une visite au musée, et en même temps qui fait appel… Il y a aussi cette notion de mise en espace, en mouvement, au-delà de l’aspect sculptural qui je pense m’a interpellée

T.M. : Je viens de Bretagne, donc j’ai beaucoup aimé ce qu’on appelle les Nabis, les peintres bretons autour de Gauguin, Sérusier, que j’ai découverts à Quimper et au musée de Brest. Mes premières émotions, c’est quand je me suis posé la question, ou que j’ai remarqué la recherche d’abstraction, ou « d’aller au-delà » de la représentation, comment l’art peut interpréter et parler de l’évolution de la modernité.