Lee Lozano "Strike"

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Lee Lozano

Certaines œuvres exposées sont susceptibles de heurter la sensibilité du jeune public.

Après avoir été présentée à la Pinacoteca Agnelli (Turin), l’exposition « Strike » consacrée à l’artiste Lee Lozano (1930-1999) investit la Bourse de Commerce à Paris et rassemble treize œuvres emblématiques de la Collection Pinault. Conçue par Sarah Cosulich et Lucrezia Calabrò Visconti, en collaboration avec Pinault Collection, elle montre pour la première fois au sein d’une institution française l’œuvre de l’artiste, dans la continuité de la saison « Mythologies américaines » : un ensemble d’expositions individuelles — Mike Kelley, Mira  Schor et Ser Serpas — marquées par les contre-cultures et le refus de suivre les règles du jeu.

L’exposition « Strike » rassemble une vaste sélection d’œuvres réalisées par Lee Lozano, couvrant l’ensemble de sa brève — mais néanmoins extrêmement prolifique — carrière, qui s’étend de 1960 à 1972. Formée à la peinture à Chicago, Lozano s’installa à New York au début de sa carrière et rencontra rapidement la notoriété au sein de la scène artistique des années 60, où elle proposa un oeuvre protéiforme qui se distingua par son originalité. Lozano affronta un environnement artistique dominé par le Pop Art, le minimalisme et l’art conceptuel au moyen de la peinture notamment. Elle prit part au contexte artistique et social de l’époque tout en conservant une attitude radicale et en s’opposant à toute forme de classification et de pouvoir systémique.

Le titre de l’exposition offre une réflexion sur la polysémie du mot « strike ». En tant que verbe, « to strike » (frapper) manifeste une action violente, une explosion d’énergie incontrôlable qui pourrait être le fait d’un corps humain, d’un outil ou d’une arme. En tant que nom, « strike » (« grève », en français), évoque le refus radical d’effectuer un travail, en référence au célèbre General Strike Piece (1969) de Lozano, qui signale sa première tentative de désengagement du monde de l’art. Provocatrices, ludiques et non moins mortifères les « strikes » de Lozano étaient adressés à l’art tout autant qu’aux dimensions sociale, émotionnelle et politique de sa propre existence.

Dans la Galerie 2 de la Bourse de Commerce, l’exposition donne à voir un cheminement cohérent à travers les différents corpus d’œuvres de Lozano : elle est consacrée à un ensemble complet de dessins et de toiles datant du début de sa carrière dans lesquels sa manière désenchantée et saisissante de représenter le corps humain se manifeste au travers du rapport à la fois sensuel et violent qu’il entretient avec son environnement. Le vocabulaire visuel caractéristique qui est le sien au cours de ces années incorpore des objets, des armes, des articles menaçants et des motifs érotiques véhiculant un commentaire sarcastique au sujet du monde dominé par les hommes au sein duquel son travail prend alors place.

Accents surréalistes, imagerie sexuelle et slogans explicites évoquant les publicités se superposent dans ses dessins, mettant ainsi l’accent sur le rôle actif du langage dans son travail. Aux alentours de 1963, Lozano commence à réaliser la série Tools dans laquelle marteaux, tournevis et machines deviennent les sujets d’huiles sur toile grand format picturales et d’une puissance extrême. L‘exposition invite aussi à découvrir la série Airplanes dans laquelle des objets volants entrent en interaction avec des orifices humains. En 1965, Lozano se tourne vers l’abstraction avec une série de peintures monumentales auxquelles une pièce est consacrée, pièce où est également exposée une rare sélection de dessins préparatoires. Les Language Pieces, œuvres basées sur des textes et datant de la fin des années 1960 et du début des années 1970, terminent l’exposition en présentant son évolution vers une pratique entièrement conceptuelle. Cette phase de son travail décrit la nervosité ressentie par Lozano à l’égard de toute forme de pouvoir institutionnel, tendance dont le point culminant fut sa décision d’abandonner purement et simplement le monde de l’art en 1972.

Marquée par son extrême radicalisme, l’œuvre de Lee Lozano constitue une critique mordante de la discrimination ayant cours dans le monde de l’art (essentiellement dominé par les hommes et les logiques de marché). Lee Lozano agit selon une logique de refus, point formant un paramètre de son identité, et explore la frontière floue séparant art et vie. À la Bourse de Commerce, l’exposition « Strike » est à cette occasion réadaptée par Sarah Cosulich et Lucrezia Calabrò Visconti afin de pouvoir s’inscrire dans l’espace courbe offert par le musée.

 

Biographie de l'artiste

Artiste présente dans la Collection Pinault, Lee Lozano (États-Unis, 1930-1999) était une peintre et artiste visuelle et conceptuelle américaine, figure incontournable et pionnière de la scène artistique new-yorkaise des années 1960 et du début des années 1970. Née Lenore Knaster le 5 novembre 1930 à Newark (New Jersey), elle obtient en 1951 un Bachelor of Arts de l’Université de Chicago, ville dans laquelle elle rencontre et épouse l’architecte Adrian Lozano. 1960 est marquée par l’obtention de son diplôme (Bachelor of Fine Arts), délivré par The Art Institute of Chicago, et par son divorce. En 1961, elle s’installe à New York, où elle est au cours des dix années suivantes une figure active de la scène artistique et où elle se lie d’amitié avec des personnalités telles que Carl Andre, Richard Bellamy, Sol Lewitt, Lucy Lippard et Dan Graham. Au cours de cette période, ses peintures figuratives et abstraites sont présentées à l’occasion d’expositions collectives organisées notamment à la Green Gallery, à la Bianchini Gallery, à Cincinnati, à la Galerie Ricke de Cologne et à la Paula Cooper Gallery, où elle donne à voir pour la première fois ses œuvres fondées sur des textes. En 1970 une exposition lui est personnellement consacrée au Whitney Museum of American Art de New York. Viendront ensuite des expositions en Allemagne, en Nouvelle-Écosse et à la Lisson Gallery de Londres. En 1971, elle prend la décision d’abandonner le nom de Lee Lozano, lui préférant « Lee Free », qui sera plus tard raccourci en « E ». Avec Dropout Piece, son geste de 1972, elle décide de quitter la scène artistique, disparaissant durant dix années sans avoir de contact avec ses pairs. La trace de « E » réapparait en 1982 dans la ville où résident ses parents au Texas, ville où elle vécut jusqu’à sa mort. Durant cette période, même si elle ne produit aucune oeuvre nouvelle, elle considère poursuivre Dropout Piece au travers de son existence. E. meurt le 2 octobre 1999. Elle est enterrée dans une tombe anonyme du cimetière de Grand Prairie au Texas.

Commissariat :
Sarah Cosulich, directrice de la Pinacoteca Agnelli et Lucrezia Calabrò Visconti, conservatrice en chef de la Pinacoteca Agnelli

 

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