Kippenberger / Krewer / Schütte

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Kippenberger / Krewer / Schütte

schütte man im wind

La confrontation de ces trois artistes de différentes générations - Martin Kippenberger l’iconoclaste, Thomas Schütte réinventeur de la sculpture contemporaine et le jeune peintre Florian Krewer -  raconte une histoire de la scène allemande contemporaine.

Martin Kippenberger

Dans la Galerie 5, trois importants autoportraits de Martin Kippenberger sont présentés pour la première fois. Bitte nicht nach Hause Schicken (1983) le montre, pancarte au cou : « Prière de ne pas renvoyer à la maison ». Figure de l’errance, l’artiste, paria d’un monde codifié, porte la mémoire des victimes des tragédies de la Déportation et de l’extermination durant la Seconde Guerre mondiale. Avec la série « Cher Peintre, peins pour moi » (« Lieber maler, male mir », 1983), commandée à l’affichiste Werner, Kippenberger réalise des peintures et des autoportraits non peints par lui. A travers le recours à l’affiche, il critique le statut de l’oeuvre d’art : sa valeur, son unicité, la question de sa signature, etc. Untitled (1992) fait partie des « Hand-Painted Pictures », deuxième cycle d’autoportraits du peintre : l’artiste est ici représenté à demi-nu, le ventre serré dans un short violet ; il se portraiture à travers ses mains tendues, l’une paume offerte, d’autre dans un geste de prédation. L’accrochage présente aussi le monumental trompe l’œil, Paris Bar (1993),  ainsi qu’un ensemble de 21 portraits sur toile qui déclinent autant de sujets ou de pastiches de styles de l’histoire de la peinture.

Né en 1953 dans une famille protestante de RFA, mort en 1997 à Vienne, Martin Kippenberger est un peintre qui préfère à « artiste » le mot de « représentant », plus approprié au marché de l’art auquel il assume de participer. Fort de sa posture de prestataire, Kippenberger manie avec brio le burlesque et la caricature. Ses titres et formules cinglent : « le chômeur est tranquille le samedi », etc.
S’inspirant de la culture populaire et de l’histoire de l’art, il interroge la « mort de la peinture », les « avant-gardes » ayant fait long feu. Provocatrice, parfois cynique, son attitude tour à tour irrévérencieuse et complaisante, éreintant la « belle » peinture et faisant assaut de virtuosité, déchaîne, souvent, le scandale autant que l’enthousiasme..
 

Florian Krewer

Les six toiles présentées comme deux triptyques dressés au centre de la Galerie 5 sont inondées d'un rouge presque sanguin ou bien plongées dans l'obscurité. Si le pouvoir de la peinture est d'incarner, Florian Krewer touche à son mystère quand ses toiles entières deviennent chairs et couleurs à vif, disputées à la nuit noire comme le monstre qui sort les crocs dans l’œuvre intitulée heat (2019), prêt à bondir. Des scènes urbaines, d’approches, de combats ou de simples battles, où l'harceleur, le complice et la victime semblent se confondre.

Florian Krewer, né en 1986, installé actuellement à New York et, diplômé d’architecture, se forme à la peinture à la Kunstakademie de Düsseldorf auprès du célèbre peintre Peter Doig, de 2011 à 2017. Ses peintures commencent avec des photographies personnelles ou trouvées, découpées et assemblées dans les études préparatoires où naissent ses compositions. Sur ses toiles de grand format, se débattent des figures aux traits incertains, que l’on devine juvéniles sous leurs vêtements streetwear. Dans l’atmosphère nocturne ou crépusculaire de scènes urbaines aux fonds indéterminés, il n’est pas aisé de démêler la rixe de l’étreinte, la danse de la drague. Ses silhouettes courent, campent, frappent, hésitent. La violence n’est jamais loin. On devine des histoires, sans clefs pour les lire.

Thomas Schütte

Un important ensemble d’oeuvres de Thomas Schütte, dont certaines présentées pour la première fois par la Collection Pinault, est exposé dans la Galerie 5 en dialogue avec un accrochage de peintures de Martin Kippenberger et de Florian Krewer. Dans cet espace de double hauteur, la puissante série des douze « Wichte » (2006), saisissantes têtes sculptées surplombant la galerie dans toute sa longueur, semble toiser le visiteur, tout comme l'imposant Mann im Wind III (2018) qui ferme la perspective de la galerie de sa monumentale stature.

Né en 1954 à Oldenburg, en Allemagne, Thomas Schütte vit et travaille à Düsseldorf. Élève de Gerhard Richter et Fritz Schwegler à l’Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf, il développe une pratique artistique très diversifiée qui – issue du mouvement minimal et de l’art conceptuel des années 1970 – aborde des sujets cruciaux comme le pouvoir, la mémoire, le rôle de l’art et son insuffisance face aux grandes questions de la condition humaine. Sculptures, architectures, variations poétiques, autoportraits, sont autant de sujets qui structurent l’oeuvre de l’artiste, considéré aujourd’hui comme l’un des réinventeurs de la sculpture.

Schütte a une approche antihéroïque de l’art et rejette la théorie, énoncée par Joseph Beuys, qui confère à l’artiste un rôle de guide, préférant introduire le doute, remettre en question les certitudes : « Mes oeuvres ont pour but d’introduire un point d’interrogation tordu dans le monde », déclare-t-il. Ces sculptures se présentent souvent sous la forme de maquettes d’architecture ou de décors de théâtre, provisoires et imparfaits, qui évoquent avec ironie les grands problèmes politiques et historico-artistiques. Aujourd’hui, l’essentiel de son oeuvre se concentre sur l’analyse des structures de la société, de leur organisation politique, de leur impact sur la vie des individus, pour mettre à nu la fragilité et l’instabilité des systèmes contemporains.

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