David Hammons

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David Hammons

Vue d’exposition, « Ouverture » / Exhibition view "Ouverture" Bourse de Commerce — Pinault Collection  Courtesy de l'artiste et de Bourse de Commerce - Pinault Collection.

Artiste majeur de notre temps, figure radicale, l’artiste Africain-américain David Hammons n’a, du fait de sa stratégie de critique et d’évitement du monde de l’art, quasiment jamais été présenté en Europe de manière significative. Ce corpus rassemble près de 30 pièces, dont plus de la moitié n’ont jamais montrées dans de précédentes expositions de la collection, depuis les œuvres sur papier de la fin des années 1960 et du début des années 1970 jusqu’à de plus récentes installations.

Introduit par une œuvre magistrale, le drapeau américain lacéré et transformé aux couleurs du drapeau panafricain, intitulé Oh say can you see (2017), l’accrochage se clôt avec une installation inédite Minimum Security (2007), qui constitue le point d’orgue du parcours. La première répond à la vision folkloriste et coloniale du panorama peint de la grande toile marouflée de la coupole, évoquant l’esclavage dans la partie consacrée à l’Amérique du Nord et ornée d’un éclatant drapeau américain encore incomplet ; la seconde prend place dans l’ancienne salle des pas-perdus, en fin de parcours, où elle instaure avec les vestiges restaurés de son décor original une tension particulère : la cage de métal aux proportions d’une cellule répond à la carte du monde de la fin 19e siècle figurant les routes du commerce à l’apogée de la période d’expansion coloniale de l’Occident. L’accrochage est aussi composé de pièces ayant rythmé les temps forts du Palazzo Grassi et de la Punta della Dogana, comme par exemple High Level of Cats (1998) ou Central Park West (1990).

 

Si David Hammons joue d’une palette, c’est d’un nuancier de détournements, assemblages, performances, peintures faites d’empreintes de corps et d’objets... Né en 1943 dans l’Illinois, David Hammons développe depuis les années 1970 un œuvre furtif et subversif, hanté par la blessure du racisme ordinaire. L’artiste s’installe à New York en 1975, à Harlem, un quartier qui devient l’épicentre d’une création que traversent les luttes et l’engagement social.

Marqué par l’Arte povera au cours de son séjour à l’Académie américaine de Rome en 1989, Hammons, génie de l’assemblage précaire, recycle en sculptures puissantes les objets glanés lors de ses pérégrinations, puisant dans le quotidien. Ces trouvailles, dérisoires bric-à-brac, errances, protestations politiques, braquent une lumière crue sur la misère d’Harlem, spolié de sa culture originale – le jazz – par la société de consommation. Ce militantisme, explorant la mémoire collective sur un mode contestataire, imprègne son travail. Grâce à une pratique de l’arpentage urbain, l’artiste soustrait au réel, au territoire de la rue, des éléments à la forte charge emblématique : de vils objets, des rebuts, se voient investis d’une signification nouvelle. David Hammons les met en scène dans l’univers pur et conceptuel, blanc, de l’espace d’exposition. ils s’éclairent à la lecture de leurs titres, fondés sur des glissements poétiques et des jeux de mots.

 

Passionné par le jazz, par la question de la composition musicale et de l’improvisation, l’artiste évoque ainsi sa posture au sein du monde de l’art : « C’est comme être blanc dans le monde du jazz, comme Chet Baker ou Gerry Mulligan. Ils avaient confiance. Je me nourris de la confiance de grands du jazz comme eux. ». Attentif à l’infime, Hammons revendique la richesse créatrice du manque : « si tu es dans la pauvreté, que tu l’apprécies et que tu en ris, alors tu n’as d’allégeance vis-à-vis de personne et tu es plus libre ».

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