Dominique Gonzalez-Foerster
OPERA (QM.15), 2016, une œuvre de Dominique Gonzalez-Foerster habitait la Galerie 3 de la Bourse de Commerce et y faisait resonner la présence de Maria Callas.
Dominique Gonzalez-Foerster nourrit son œuvre d’une mémoire vivante du cinéma, de la littérature et des structures ouvertes de l’architecture et de la musique.
En 2012, elle initie une série d’œuvres performatives, des apparitions, dans lesquelles elle incarne des personnages tels que Bob Dylan, Emily Brontë ou Louis II de Bavière qui forment un opéra fragmenté sans commencement ni fin, M.2062, qui rend caduque toute idée d’unité de temps et d’action.
Ces performances au cours desquelles l’artiste se laisse habiter par d’autres personnages, prennent parfois la forme de projections holographiques, réactivant des performances mythiques : Sarah Bernhardt jouant L’Aiglon ou Klaus Kinski donnant vie au possédé Fitzcarraldo. Dominique Gonzalez-Foerster laisse l’œuvre en suspens, en déplacement, afin de la faire apparaître « ici et maintenant ».
En janvier 2016, comme une extension de l’exposition à caractère rétrospectif et prospectif, 1887-2058, que lui consacre le Centre Pompidou, elle incarne sur scène QM.16, qui consiste en une triple « apparition » de trois artistes personnifiant tour à tour le théâtre, le cinéma et l’opéra : Sarah Bernhardt y apparait jouant L’Aiglon, puis devient Marilyn dans The Misfits, avant de se transformer en Maria Callas chantant Medea, La Traviata et La Gioconda. Cette dernière apparition s’affranchit de ce projet scénique pour devenir une œuvre autonome OPERA (QM.15).
Dominique Gonzalez-Foerster précise combien ces apparitions « ont plus à voir avec une séance de spiritisme – une tentative de communiquer avec certains esprits – plutôt qu’avec du théâtre ou du cinéma, une sorte de transe préparée, permettant l’apparition ou la réapparition de moments artistiques intenses. »
Figure archétypale et primordiale, surgissant de l’obscurité avant de s’y dissiper à nouveau, la Callas apparait. Dominique Gonzalez-Foerster venait habiter l’enveloppe spectrale, et lui insufflait une nouvelle intensité autant qu’elle était habitée par la diva, jusqu’à confondre sa voix à celle de l’iconique soprano. La puissance de sa voix annihilait les limites de l’espace, pulvérisait le temps. Les enregistrements sont ceux de la jeune Maria Callas au sommet de son art, alors que son emblématique robe rouge signait les dernières représentations de la diva, dix années avant sa mort.
La disjonction dans cette même image de deux temporalités irréconciliables, accentuait l’émotion générée par la rémanence de cette image fantôme, même après que l’artifice de cette illusion eut été révélé. Il se dégageait de ce corps flottant au traitement spectrogène une forme d’irrationalité, une sorte de fascination mêlée de stupeur.
Les apparitions de Dominique Gonzalez-Foerster donnent corps à un entremonde, où même à distance, dans des temporalités et des mondes parallèles, l’art et la vie, le réel et l’imaginaire peuvent, pour un temps, cohabiter.