Lucas Arruda

Lens Arruda

Lucas Arruda

Pour sa troisième saison, la résidence d’artistes de la Collection Pinault, à Lens, a accueilli l’artiste brésilien Lucas Arruda. Il revient sur son premier hiver loin du Brésil et son travail pendant huit mois sous la lumière particulière du nord de la France.

Lucas Arruda arrive le 4 septembre 2017 à la gare de Lille Europe. Il vient d’inaugurer sa première exposition à la galerie David Zwirner, à Londres. À son arrivée, il confie n’avoir fait que quelques recherches sur Lens. Il attend de cette résidence, dans un premier temps, de pouvoir prendre du recul et digérer deux années de travail intense, à São Paulo, cette ville où il est né et où il vit. Lucas Arruda a grandi à Vila Madalena dans le quartier de Pinheiros. Ses parents se sont rencontrés au Parti des travailleurs [parti indépendant et socialiste fondé en 1980]. C’est donc dans un contexte politique et culturel fertile qu’il vit ses premières années. Dès son plus jeune âge, il fréquente une crèche artistique. Dès lors, l’art plastique sera toujours présent dans son éducation. Petit, il dessine beaucoup, des dessins « étrangement violents » prenant la forme d’un « work in progress ». Les feuilles s’ajoutent les unes à côté des autres pour composer des épopées romanesques où les armées s’affrontent.

Vers seize ans, Lucas Arruda peint pour canaliser son attention et trouver une forme de concentration. Il cherche déjà à créer une intimité dans la peinture, mais il décrit ses créations de l’époque comme trop illustratives et narratives. Il peint des portraits. De lui ? Il ne s’en souvient plus. Mais il comprend que la peinture peut être une fenêtre pour s’échapper du quotidien, « cathartique sans forcément devoir représenter ». L’humain disparaît très vite de la surface de ses peintures. Le destin s’accélère. Exposé au Brésil par la galerie Mendes Wood, il trouve vite un public pour ses peintures lumineuses et envoûtantes. « J’imaginais que la lumière grise du Nord, telle que l’on me l’avait décrite, aurait peut-être une influence, qu’elle apporterait une dimension plus mentale, plus émotionnelle à mon travail ». A posteriori, il témoigne : « les couleurs et la lumière que j’ai trouvées ici n’étaient en réalité qu’un reflet de mon état d’esprit. Cela se ressent dans les œuvres que j’ai créées à Lens. C’est une production très peu colorée. »

À Lens, Lucas Arruda perd le fil du temps. Les jours se ressemblent. Par la lumière et le rythme si particulier de la ville. Pour lui c’est une période presque transcendantale. « La solitude et l’ambiance ici ont fait grossir en moi des idées, des sentiments. C’est une expérience introspective très riche ». Les saisons passent, aussi, et il connaît le premier hiver de sa vie : « j’ai vu la neige pour la première fois. C’était merveilleux. Je suis sorti dans le jardin, pour m’imprégner de cette atmosphère. Tout était silencieux, ouaté, le son était comme porté par une bulle au ralenti. Cette sensation m’a amené au travail. Je voulais traduire cela ».

Lucas Arruda ne s’est pas inspiré des paysages du bassin minier. Pourtant, la relation qu’entretient la population locale à la terre le touche. « Mon travail est très lié à la terre, de manière symbolique ».

Quand il peint, debout, Lucas Arruda établit une ligne d’horizon, seule composante structurelle de ses tableaux, pour ensuite « la diffuser, créer un passage. »

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​« La lumière est au centre de mon travail, elle est le mouvement. C’est la lumière qui guide ma peinture, qui crée l’intensité et finit par créer des espaces ni abstraits, ni figuratifs ». Pudique, Lucas Arruda traduit en peinture ce qui l’anime, dans une langue nouvelle, poétique, « romantique », dit-il en riant. Traduire, c’est faire œuvre : « je veux laisser parler mon travail » affirme-t-il. Un seul silence, un seul ciel, l’humilité et l’innocence qui se dégagent des peintures de Lucas Arruda nous interpellent et nous ramènent au calme. Leurs petits formats créent aussi l’intimité. Ils lui permettent de contrôler la lumière en tout point, de conserver l’équilibre. « Les paysages veulent s’étendre au-delà des limites ». Il les ramène à l’échelle de l’humain.

« La solitude et l’ambiance ici ont fait grossir en moi des idées, des sentiments. C’est une expérience introspective très riche. J’ai vu la neige pour la première fois. C’était merveilleux. Je suis sorti dans le jardin, pour m’imprégner de cette atmosphère. Tout était silencieux, ouaté, le son était comme porté par une bulle au ralenti. Cette sensation m’a amené au travail. Je voulais traduire cela. »

À la question de savoir quand une toile est achevée, la réponse de l’artiste est évidente : « quand je finis par me voir, alors je ne vois plus rien ». Une peinture est finie lorsqu’elle reflète son état jusqu’à s’y confondre. Et cela a encore à voir avec la lumière. « Parfois je commence avec beaucoup de lumière et j’assombris encore et encore. Parfois c’est le contraire. » Malgré ce mouvement introspectif, il lui importe de s’inscrire dans une conscience collective : « Quand je peins, je me sens inscrit dans un moment, dans une histoire. Je considère le moindre geste et j’essaie à tout moment de respecter le passé, les artistes avant moi. Ce que je fais est uniquement possible car le modernisme a eu lieu ».

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